De mémoire de Pseudopolitain

26 Avryl An II PSD — Thomas G.

« Jugez l’œuvre, ne jugez pas l’auteur. » ARISTOTE

Je suis arrivé à Pseudopolis fin août 2001 sous le pseudonyme de Maximilien Ka, joueur novice, et j’en suis parti fin avril 2002 après avoir été MJ de Kloho, Président du Saunatorium, et avoir contrôlé au final une dizaine de personnages ayant occupé des responsabilités diverses. Il n’est pas question d’entrer dans les détails de ce que j’ai pu faire et écrire dans cet intervalle de temps pour vanter une quelconque réussite : le narcissisme est un enfantillage. En revanche, par la force des choses, il se trouve que j’ai eu l’occasion de me familiariser avec les rouages du jeu et d’y tenter un certain nombre d’actions. C’est cette expérience, qui vaut ce qu’elle vaut, que je souhaite faire partager maintenant que je suis parti. Les suggestions que je soumets au jugement des joueurs pour l’évolution du jeu feront l’objet de la dernière partie de cette thèse.

Le présent texte est la première partie de « De mémoire de pseudopolitain. » Elle va de l’arrivée de Maximilien Ka à Krasstadt à son élection à la présidence du Saunatorium, donc du 25 août 2001 au 10 décembre 2001.

PREMIERE PARTIE - LA RESISTIBLE ASCENSION DE MAXIMILIEN KA (25 août 2001 - 10 décembre 2001)

I. Débarquement à Pseudopolis : l’anarchiste Ka.

1. L’arrivée.

Pourquoi Pseudopolis et pas une autre nation virtuelle ? Par hasard. J’ai cherché au lien « nation virtuelle » sur le moteur Google, et j’ai trouvé, entre autres, Pseudopolis. Le nom m’a plu. Sur les trois communautés offertes, Krasstadt, Venys, Kloho, je n’étais pas tenté par Kloho, dont la page d’accueil était peu attirante à l’époque, et j’hésitais entre Krasstadt et Venys. Entre le cynisme de second degré et le raffinement caricatural, j’optai pour le cynisme de second degré : ainsi naquit Maximilien Ka, Krasstadtois. Pourquoi ce nom ? « Maximilien » est une allusion à Robespierre et a une sonorité en « k », et « Ka » est encore l’allitération en « k » la plus simple.

A l’époque, je sortais ex-lude d’une thèse sur les anarchistes au XIXème. Je maîtrisais donc suffisamment le sujet pour lancer un parti anarchiste à Krasstadt. Les premiers jours de citoyen pseudopolitain sont toujours très durs : l’on ne comprend rien à rien, l’on ne sait à quel saint se vouer entre messages sérieux des uns et messages délirants des autres, et ce qui est très difficile à surmonter est la tendance de la collectivité à cogner sur le premier qui commet la moindre bourde. Comme tout nouveau joueur, je fis des contresens énormes dans la première semaine : comme tout fauteur de bourde, je fus raillé par quelques joueurs. Mais cela endurcit le personnage créé, et c’est une forme de bizutage qu’on finit par pratiquer soi-même quand d’autres nouveaux joueurs arrivent.

2. Saunateur, poste à prendre.

Début septembre 2001, le Triumvir de Krasstadt Nikolas Van Khérys avait décidé de quitter le jeu quelques temps, et devait être remplacé par le Général Offenbach-Moltieri, Triumvir syldave disposé à faire de l’intérim. Krasstadt sortait d’une scission difficile entre joueurs restés dans la communauté d’origine, le Krassland, et joueurs ralliés à Pseudopolis. Offenbach-Moltieri m’informa en privé que mon personnage d’anarchiste d’opposition frontale était « un luxe que Krasstadt ne pouvait pas se permettre » (je cite). Il me suggéra d’entrer au Saunatorium pour peu que je cherche une simulation surtout politique, et à Krasstadt de ne pas cogner sur l’unité nationale.

Par la suite, Offenbach-Moltieri se heurta à l’opposition de certains joueurs krasstadtois pour prendre la succession de Van Khérys. Il abandonna l’idée et repartit à Kloho. Dans les derniers jours de son mandat, Von Khérys nomma saunateurs les deux joueurs qui l’avaient demandé : Hans Sanzs-Unik et Maximilien Ka. Ka était désormais saunateur anarchiste krasstadtois. A noter qu’il fut constamment reconduit par désignation à ce poste, et jamais élu.

II. Installer le personnage dans le paysage pseudopolitain : Ka saunateur.

1. Une vice-présidence pour exister.

On le comprendra, mon parcours de jeu était celui d’une ascension méthodique et calculée, non pas par mégalomanie mais pour voir si l’utilisation du raisonnement froid avec but unique parvenait bien systématiquement à ses fins. Une fois saunateur, nommé parce que seul candidat avec Sanzs-Unik, je restais néanmoins complètement inconnu. L’élection du Président du Saunatorium était en cours, et Albert Muda, personnage à la neutralité proverbiale, était candidat unique, par ailleurs assuré d’être élu. Je décidai de faire se présenter Ka contre lui, non pas pour gagner mais pour gagner en notoriété. Par ailleurs, une tradition du Saunatorium indiquait que le candidat arrivé en seconde position devenait toujours Vice-Président : il y avait donc là un poste à prendre sans difficulté. L’élection eut lieu, et Ka fut battu à plate couture. Mais son nom était désormais connu des saunateurs, et il était Vice-Président.

A Krasstadt, une élection générale avait eu lieu pour désigner le Triumvir. J’eus 15% de voix (ce que je n’ai toujours pas compris) sans m’être présenté, et ce fut le MJ de Krasstadt qui fut élu à son corps défendant, Ben von Bücchow. Il s’avéra avoir peu de temps à consacrer à sa tâche, ce qui laissa la communauté sans pilote. Ka devint pour sa part Ministre des Finances et de la Justice, ayant demandé ces deux postes. Une inimitié durable débuta entre Ka et Sanzs-Unik, inimitié que j’ai tenté d’annuler pendant des mois sans jamais y parvenir du fait de l’agressivité du personnage : c’est dommage, car les deux personnages auraient été efficaces en agissant de concert. Lorsque le Pseudoprésident décida d’annoncer des inondations dans tout Pseudopolis, Ka déclencha comme Ministre des Finances de Krasstadt une série de réquisitions des biens et des personnes, purement formelles, et j’obtins une suspension des séances au Saunatorium au motif que les saunateurs krasstadtois étaient réquisitionnés comme les autres pour aller écoper à Krasstadt. Là encore, un essor de notoriété s’ensuivit.

Vice-Président du Saunatorium, je décidai de lancer Ka dans une réforme d’organisation interne de l’hémicycle pour forcer les saunateurs à créer des groupes parlementaires. Cela déclencha une réforme du règlement intérieur et, surtout, Ka eut à chapeauter ces formations de groupes. Cela eut trois conséquences utiles : le Président Muda prit l’habitude de se décharger sur lui de certaines tâches, en faisant un Vice-Président actif ; Ka fut installé définitivement dans le paysage pseudopolitain comme personnage dit « réaliste, » par opposition aux personnages ludiques ; je pus au Saunatorium me familiariser avec les équilibres politiques locaux, c’est-à-dire les assimiler et donc à terme les maîtriser.

2. Le Saunatorium, espace privilégié d’apprentissage des équilibres politiques.

J’appris notamment que Krasstadt n’avait aucun sens de la hiérarchie des lois. Les décrets n’y sont pas appliqués, la Constitution n’y est pas sérieusement employée, il n’y a aucune autorité régulatrice, et la vie politique y est particulièrement instable (cinq triumvirs de septembre à décembre). Je n’avais donc pas à compter sur un soutien solide des saunateurs krasstadtois pour faire élire Ka Président du Saunatorium, d’autant plus que Sanzs-Unik était devenu un anti-Ka systématique. Je testai vers novembre la capacité de soutien de ces saunateurs en présentant Ka à l’élection du Pseudoprésident, poste qui ne m’intéressait pas : Ka obtint beaucoup moins que 30% des suffrages, alors que les saunateurs krasstadtois représentaient cette part des électeurs du Pseudoprésident.

Je découvris également Venys, démocratie apparente. Le système est verrouillé entre deux clans contrôlés par deux très anciens joueurs de l’époque d’Ys, nation virtuelle préexistante à Pseudopolis : Anaclet de Paxatagore et Théophraste de Mytilène. Si j’écrivais qu’il s’agit de blanc bonnet et bonnet blanc, je ferais un constat déjà dressé avant moi maintes fois. Mais je voudrais l’atténuer. Il y a un point sur lequel les deux joueurs, et donc les deux clans, sont en désaccord fondamental, et ce point, c’est le fonctionnement du jeu en tant que tel, notamment le rôle et le mode de désignation des MJ. Toujours est-il que je pouvais à la rigueur espérer que les deux clans votent différemment l’un de l’autre, et jouer sur cette division. J’appris aussi à connaître le juridisme yssois, plaie de Pseudopolis. La rigueur juridique est un atout car cela organise la vie sociale de la communauté. Mais trop de juridique noie le jeu pour une raison bien simple : à force de juridisme, l’on tombe dans l’ergotage en ne faisant plus que cela.

Kloho resta longtemps pour moi un mystère. Je finis par comprendre qu’à l’époque, le joueur contrôlant le Général Offenbach-Moltieri contrôlait également 90% de la population syldave à lui seul. D’où la facilité d’ériger à Kloho un système politique absolutiste, en se commandant à soi-même. Le rôle de ces « klohones » était essentiellement un rôle d’animation, d’école ludique : détenir seul quinze à vingt personnages porte par ailleurs le nom d’offenbachisme. Je compris vite que je ne pourrais pas compter sur un soutien syldave, à moins d’entrer dans un dérapage ludique qui, lui, serait soutenu sans tergiverser.

III. Commet gagner une élection.

1. Résoudre la quadrature du cercle.

Fin novembre, l’élection du Président du Saunatorium approchait. Manifestement, Albert Muda n’avait pas l’intention de se représenter. A l’époque, je ne compris pas pourquoi. J’ai assimilé depuis le fait que Muda était un personnage du MJ de Venys Matthieu Duclos, ce qui était de notoriété publique (sauf pour moi), et qu’il avait pour rôle principal de roder sur lui des institutions nouvelles : le mandat du premier Président du Saunatorium (août-septembre 2001) Traulever ayant été un mandat symbolique peu actif, ce fut Muda qui roda pleinement la présidence du Saunatorium. Une fois cela fait, il estimait ne pas devoir se représenter. Ka se présenta donc. Restait à obtenir au minimum 10 des 18 voix de saunateurs, 6 par communauté.

Le risque était grand de voir une candidature syldave se présenter, avec six voix contrôlées directement par le Général Offenbach-Moltieri. Une candidature yssoise pouvait également surgir. Je craignais surtout celle de Théophraste de Mytilène, assuré du soutien yssois. Du côté de Krasstadt, il n’y avait aucune candidature à craindre, aucun candidat krasstadtois ne pouvant disposer du soutien de plus de 2 à 3 saunateurs, sans compter la tradition locale de désintérêt pour le Saunatorium.

2. Von Neumann, rabatteur de voix.

18 voix, 10 à prendre. Gagner une élection où si peu de personnages votent revient à un simple calcul mathématique. Je ne pouvais compter que sur 3, au maximum 4, voix krasstadtoises. Les voix yssoises ne me soutiendraient que si un Yssois ne se présentait pas, et pour voter non pas pour moi mais contre un candidat tiers. Les voix syldaves étaient perdues d’avance, car Ka était un personnage réaliste à l’opposé de l’option ludique du Général Offenbach-Moltieri. Un autre problème était celui de l’image de Ka, considéré à juste titre comme un personnage autoritaire.

J’eus alors l’idée de fabriquer un personnage qui serait l’antithèse de Ka. Ainsi naquit le baron Hans von Neumann, fin novembre 2001, qui ne fut créé que comme personnage temporaire, de circonstances, mais allait être promis à un tout autre avenir. C’était évidemment un personnage syldave, et totalement délirant. Son programme était d’interdire le vote des non-nobles au Saunatorium, d’instaurer une présidence dictatoriale, de faire annexer Krasstadt par Kloho, et de rattacher à Kloho le port de Venys. Commentaire du Général Offenbach-Moltieri : « Von Neumann, à la droite d’Attila. Politiquement, ce garçon me plaît de plus en plus. » Cette manœuvre me permit d’une part de fixer sur ce nouveau personnage les 6 voix syldaves, et d’autre part de fixer sur Ka les voix de ceux qui ne voulaient pas d’un pareil illuminé à la présidence du Saunatorium. Cela faisait aussi de Ka, par antithèse, un anti-autoritaire (alors qu’il était autoritaire une semaine auparavant), puisque Von Neumann ne manqua pas d’attaquer dans ses messages « Ka le démocrate. » Ka devint un personnage démocrate jusqu’à l’outrance et extrêmement fédéraliste, par opposition à un Von Neumann aux aspirations dictatoriales et opposé à tout ce qui était fédéral. Dernière conséquence, il n’y avait pas de place pour une troisième candidature : soit on était d’école réaliste, Ka, soit on était d’école ludique, Von Neumann. Soit on était fédéraliste, Ka, soit on était anti-fédéraliste, Von Neumann. Soit on était démocrate, Ka, soit on était dictatorial, Von Neumann. Les votes des saunateurs subirent donc une bipolarisation bloquant l’issue du scrutin.

Le MJ de Kloho, Mike Haenen, sut dès le début, puisque je m’inscrivis à Kloho avec mon adresse e-mail personnelle, que Ka et Von Neumann étaient contrôlés par le même joueur. La manœuvre du lui plaire, car jamais il ne me dénonça, et la première mission reçue par le baron à l’ORT syldave fut de « changer d’adresse e-mail. » Je disposais donc de la complicité amusée du Général Offenbach-Moltieri.

Malheureusement, comme tout adepte du clonage, je commis « la » faute, celle d’écrire le message de l’un sur l’adresse e-mail de l’autre. Le pot aux roses fut découvert. Mais cela ne changea rien, car j’expliquai immédiatement que le personnage élu appliquerait la politique de son personnage.

3. Ka élu Président du Saunatorium.

Je craignis un temps que l’absentéisme des saunateurs autres que les « klohones » ne fasse élire Von Neumann. Mais dans ce cas, Ka serait Vice-Président. Von Neumann aurait alors tenté une loi instaurant la dictature au Saunatorium, aurait échoué, aurait démissionné, et Ka serait devenu Président. Le système était donc verrouillé, sans risques. Comiquement, un premier scrutin donna Ka et Von Neumann à égalité, 50-50. Un second scrutin vit les saunateurs syldaves s’abstenir, et Ka fut élu avec 70% des suffrages.

Arrivé fin août, le personnage de Ka était donc devenu Président du Saunatorium. Lui manquaient des appuis, pour consolider sa position, et un projet, pour justifier sa présidence. Ayant lu la Constitution Pseudofédérale, j’y vis un certain nombre d’imperfections. J’écrivis une thèse à ce sujet, et Ka devint le chantre d’une réforme de la Constitution Pseudofédérale, credo qui devint son cheval de bataille politique. Quant aux soutiens, Von Neumann refusa bien sûr la vice-présidence du Saunatorium, ce qui libéra ce poste. Je confiai une réforme précise à chacun des saunateurs ayant le plus soutenu la candidature de Ka : Marylise Emphétuocle fut vice-présidente pour la réforme de la Constitution Pseudofédérale, Albert Muda vice-président pour la gestion des votes des lois, Zoé Tinuviel vice-présidente pour la réforme de l’économie pseudofédérale, sujet en vogue chez les Yssois et auquel je ne comprenais rien. Au passage, j’annulai de facto la coutume de désigner son compétiteur électoral comme Vice-Président : j’avais tout simplement besoin des vice-présidences pour former un embryon de gouvernement pseudofédéral qui n’avouerait pas son nom.

Par la suite, Ka s’efforcera de faire aboutir un certain nombre de réformes au Saunatorium, avec des succès et des revers comme tout un chacun. L’élément qui modifia durablement ce que je ferais dans le jeu fut le départ soudain de Mike Haenen et de tous ses « klohones », laissant Kloho vide et déclenchant des évolutions que personne, moi le dernier, n’aurait pu prévoir : de personnage principal, Ka allait devenir mon personnage secondaire ; de personnage créé uniquement pour le temps de l’élection présidentielle au Saunatorium, Von Neumann allait devenir de très loin mon personnage moteur ; de simple joueur fin août, j’allais devenir du fait des circonstances le MJ de Kloho ; et de joueur hostile par principe à la pratique de l’offenbachisme, j’allais devenir le joueur qui à Pseudopolis, hors Mike Haenen, l’aura le plus pratiqué.

Tout ceci allait avoir des conséquences notables sur l’avenir de Pseudopolis, sur celui de ses institutions, sur celui de Kloho, sans omettre une série d’évènements comme une guerre civile syldave, deux crises intercommunautaires entre Venys et Kloho, le dépérissement de Krasstadt, et une guerre extérieure que j’allais fabriquer de toutes pièces et qui allait déboucher sur un rapprochement avec les nations du micromonde.

Ceci sera développé dans la suite de cette thèse, « De mémoire de pseudopolitain. »

Thomas G.

Alias Maximilien Ka, Hans von Neumann, Laszlo de Almasy, Boris Gleb, Anna de Almasy, Sonja Pulitzer, Mathilda Kantorowicz, Lady Diana Spencerowicz, Saint Vladimir, Maréchal Cheguevallah