Le Steampunk tel que l'un de ses pères, le Généràl Offenbàch-Moltieri, le concevait dans l'écriture. Un bijou délirant.
20.000 lieues sous la Méditerrannée, Romance steampunk
PROLOGUE : LA COMETE DE FUGGER
1519 - A la mort de l'Empereur Maximilien, deux candidats se mirenr en lice pour la succssson au trône du Saint-Empire germanique. Tandis que François Ier envoyait trois milions aux sept Grands Electeurs, le Roi d'Espagne signait des promesses à valoir àprès l'Election. Les Electeurs, hommes sages et avisés, prirent l'argent de l'un et votèrent pour que soient honorés les chèques de l'autre. Le 28 juin 1519, Charles-Quint fut élu et proclamé Empereur. Ul lui en avait côuté 85.100 florins, l'équivalent de deux tonnes d'or, dont les deux tires avaient été avancées par Jacques Fugger. Avec la bénédiction du pape Léon X, qui avait signé un bon à valoir de 41.600 couronnes. L'Empereur honora son créancier. Le Pape se fit prier. La Banque des Fugger fit faillite, et les Habsbourgs reprirent à leur compte la dette de Léon X. Fugger mourut en 1523, l'année de la Grande Comète. Nostradamus calcula son retour au voisinage de la terre tous les 380 ans et des poussières.
LE XXème SIECLE DEMARRE EN MARCHE ARRIERE
31 décembre 1900 - A minuit pile, le calendrier de l'Histoire se mit à tourner à rebrousse-temps.
Au sortir du bain, le Sultan Abdul Hamid glissait sur une savonnette et venait stupidement s'embrocher sur le poignard de son beau-fils venu lui présenter ses bons voeux pour l'année nouvelle.
Après strangulation accidentelle des 43 autres prétendants au trône, Soliman III fut régulièrement désigné comme le succeseur d'Abdul au pied trop leste.
A peine installé sur le Divan, le nouveau Sultan envahit la Serbie, la Roumanie et la Grèce sans crier gare. puis il déclara la guerre en toute simplicité à l'Empire d'Autriche-Hongrie.
Après une campagne-éclair de trois semaines, Soliman III entamait le siège de Budapest. l"Homme malade de l'Europe" se refaisait une santé au détriment du Habsbourg.
Pour éviter l'écroulement total de l'Empire bicéphale, un grand vent de solidarité généreuse souffla sur l'Europe couronnée. Le Tsar en trait en Galicie, le Kaiser en Bohème, et le Roi d'Italie prit Trieste sous sa protection et envoya des renforts dans le Dodécanèse.
Le XXème siècle prenait ses contemporains au dépourvu. Tous les chroniqueurs s'accordaient à dire que l'an 1901 démarrait à reculons, à l'instar des armées autrichiennes en déroute. C'est le siècle tout entier qui glissait sur la savonette d'Abdul Hamid.
Et ce n'était qu'un début.
LE VEAU D'OR PLACE SAINT-PIERRE
Si le siècle prenait les militaires, politiques et historiens à contrepied, les banquiers furent les premiers à retrouver leur sang-froid et à relancer leur bille sur la roulette folle des événements.
Mille ans de césaropapisme avaient fait des caves du Vatican la tirelire de l'Europe. Toutes les places financières tournèrent les yeux vers Rome, où se décidait encore la fortune des possédants.
Léon XIII, homme sage et prévoyant, joua la piastre turque contre la couronne autrichienne, le Coran contre les Evangiles, et ordonna une reconversion totale d'l'avoir papal en devises turques.
Il se heurta violemment à l'Archevêque Giovanni Corona, Directeur de la Banque de l'Esprit-Saint, qui tentait contre tout espoir de soutenir le cours en chute libre de la couronne autrichienne, plus par solidarité catholique que par intérêt des biens de l'Eglise.
Sur le conseil du Cardinal Dalla Piestra, gestionnaire du portefeuille d'actions privé du Pape, Léon XIII prit les mesures d'urgence pour accroître le numéraire disponible, afin d'acheter un maximum de piastres avant que sa cotation en Bourse ne la rende inabordable.
Le Pape rétablit le commerce des indulgences, la vénalité des sacrements, et instaura une taxe de 33% sur la vente d'objets d'art d'inspiration religieuse.
Le prétexte invoqué pour justifier ce rackett pontifical fut l'annonce de l'édification d'une gigantesque statue de taureau en or massif, emblème de l'Evangéliste Saint Luc, le préféré de Léon XIII, afin d'attirer sur Rome la protection du grand Saint. Le site d'érection fut fixé en plein centre de la Place Saint-Pierre.
Quand il s'avéra que le monument en question était fait d'argile grossière recouverte de minces feulles d'or de médiocre carat, et que les fonds collectés pour financer l'ouvrage prenaient discrètement le chemin des poches du successeur de Saint Pierre, le bon peuple romain trouva un vocable plus approprié à la statue emblématique de Saint Luc. On l'appela le Veau d'Or du Pape.
LE RETOUR DE LA COMETE
En 1806, l'Empereur François II renonçait à la dignité de souverain du Saint-Empire germanique, et la dynastie des Habsbourgs reconnaissait officiellement n'avoir plus aucun droit sur la dette vaticane contractée en 1519. Au printemps 1902, le Chancelier Krogius, Grand Argentier du Kaiser, réussit brillament son entrée dans l'Histoire en convainquant Guillaume II de Hohenzollern de reprendre à son compte la créance autrichienne. "MALEDICTION !" s'écria Léon XIII, dont ce furent les dernières pieuses paroles.
A peine le Pape Léon XIII inhumé en hâte, de nuit, pour éviter la colère du bon peuple de Rome, le Cardinal Dalla Piestra prit fermement en mains le gouvernail de l'Eglise, en deux temps. Primo, après une consulation express du Collège des Cardinaux, réglée sur la durée d'une partie d'échec en blitz, la date et le lieu du prochain Conclave furent aussitôt fixés : Trieste, à partir du 26 octobre 1902, où la Garde Pontificale tenait garnison, depuis qu'elle avait assuré avec brio le retrait en bon ordre des armées italiennes durant la glorieuse déconfiture d'Illyrie.
Deuzio : le krach de la Banque du Saint-Esprit, que la politique pro-autrichienne de son Directeur menait au désastre, était évitée de justesse grâce aux mesures drastiques prônées par feu Léon XIII et appliquées avec énergie par Dalla Piestra.
La cote de l'Evêque Corona ayant amorcé une courbe analogue à celle de la couronne autrichienne, Dalla Piestra obtenait pour Monseigneur Corona l'élévation à la dignité d'Archevêque de Tunis, une véritable disgrâce pour celui qui était le prélat le plus riche et le plus influent de la Chrétienté avant la chute des Habsbourgs, et dont la succession au trône de Saint Pierre semblait désormais compromise.
La dernière épine qui tourmentait l'orteil de Son Eminence Dalla Piestra devait y rester encore longtemps. Bien que l'érection sacrilège du monument idolâtre soit source d'une indignation grandissante dans Rome, l'Italie, et de proche en proche, toute la Chrétienté, sa démolition fut reportée sine die.
La fragilité des finances pontificales et les frais du futur Conclave empêchaient de porter au budget de 1903 le coût du démantèlement de cet étrange chef d'oeuvre de la statuaire religieuse.
D'autre part, les dépenses effectuées pour l'édification du monument en question avaient été fictivement imputées sur une section budgétaire du Ministère de la Guerre, officiellement destinée au ravitaillement des armées autrichiennes encerclées de Bosnie-Herzégovine.
Ce qui faisait du Veau d'Or la propriété inaliénable de l'Etat italien, bien que situé en terre vaticane.
Monseigneur Dalla Piestra apporta une solution élégante à cet imbroglio politico-religieux : l'édifice profane fut consacré en grande pompe comme monument aux soldats italiens morts pour l'Empire autrichien. Amen.
DEUX PAPES POUR LE PRIX D'UN
Il fallait s'y attendre. A peine le Cardinal Dalla Piestra est-il élu Pasteur de la Chrétienté, après 33 tours de scrutin, que les yeux se tournent vers la Tunisie. L'ex-banquier du Vatican, Monseigneur Corona, vient de réunir à son tour un conclave à Carthage pour invalider l'élection de son rival.
L'Archevêque de Tunis espère bien faire sur sa personne l'unanimité des prélats orthodoxes, coptes et maronites qui s'étaient abstenu de paraître à Trieste. Choquée par la personnalité mondaine du postulant, plus enclin à fréquenter princes et chevaliers d'industrie qu'à approfondir l'idéal évangélique de pauvreté et de modestie, l'Eglise d'Orient reproche à Monseigneur Dalla Piestra la scandaleuse érection sacrilège du Veau d'Or Place Saint-Pierre.
La conclusion logique du conclave de Carthage ne se fait pas attendre. Outre l'invalidation de l'élection de Trieste, on assiste à l'élévation concurrentielle de Monseigneur Corona soi-même sur le trône décidément fort encombré du sucesseur de Pierre. Quel va-t-être l'épisode suivant ?
VADE RETRO, PIESTRA !
En réponse à l'anathème de Clément XV l'Apostat, l'usurpateur romain hérétique et idolâtre, Sa Sainteté Léon XIV, Apôtre de Tunis, a promulgé aussitôt l'encyclique "Vade Retro, Piestra" qui décrète l'excommunication du nouvel Antéchrist et de son entourage exécré et corrompu.
Par l'édit "Primum Bibere", Sa Sainteté a prôné un retour aux sources de la Foi et de la Tradition en instituant l'enseignement de Saint Augustin comme unique théologie conforme aux Saintes Ecritures.
Il s'ensuit que le thomisme, doctrine plus soucieuse d'accomodements avec la Terre qu'avec le Ciel, est désormais banni des séminaires et et universités de l'archidiocèse de Tunis. Le pontife concurrent espère ainsi que les Eglises d'Afrique et d'Orient se ralient bientôt à la doctrine augustinienne, désormais seule doctrine assurée de conduire les fidèles vers le salut de l'âme. Amen !.
LES CARABINIERS D'OFFENBACH SONT LA !!
On se souvien de l'héroïque résistance de la Ière division italienne des carabiniers-cyclistes amphibies du Général Offenbach-Moltieri.
Cette brillante unité d'élite qui était chargée de la défense du Dodécanèse (territoire italien en 1900), furt submergée par la furieuse offensive turque de 1902 pour la maîtrise de la mer Egée.
Il semblait établi que tous les prisonniers, conformément à la tradition turque, avaient été proprement égorgés sans merci. Il semblait tout aussi établi, contrairement à la saine tradition italienne de repli express à la moindre alerte, que nos braves carabiniers s'étaient sans exception fait curieusement tuer sur place sans reculer d'un pouce, fort probablement surpris en pleine sieste.
Considérée come perdue depuis plus d'un an et demi, la Division Offenbach au grand complet vient d'aborder sur les rives verdoyantes du Protectorat de Tunisie !
Explication du mystère : le général italien avait eu la judicieuse idée de lever le camp la veille de l'offensive ennemie, et de dissimuler sa précieuse unité dans une anse désertique de la côte crétoise.
Profitant de l'entrée en mer ionienne de l'armada ottomane, les héroïques carabinier cyclistes se sont alors fondus dans la masse des bateaux marchands chargés duravitaillement, audacieusement déguisés en pêcheurs libyens.
Le cap soigneusement réglé sur Naples, c'est tout naturellement à Tunis que la Division Offenbach intacte termina sa glorieuse odyssée, sous les acclamations vibrantes de la communauté italienne. Cele-ci lui fera sous peu un triomphe digne des légions de César, dès que ces valheureux guerriers seront remis de leur mal de mer.
Quant au Général Offenbach-Moltieri, en apprenant que sa solde n'était plus assurée par le ministère de la Guerre (en faillite), mais désormais par l'Archevêque de Tunis, il a aussitôt offert ses services au Pape Léon XIV.
La conversion du Général au catholicisme augustinien a suivi dans l'heure sa démission de l'ordre du Grand Orient Rosicrucien, dont il était Grand Maître depuis 1889.
En échange, Sa Sainteté l'anomé gouverneur général de Tunis et lui a accordé les pleins pouvoirs civils et militaires sur l'étendue du protectorat.
Tunis vaut bien une messe.
LE PAPE A BRAQUE L'ESPRIT-SAINT !
Le cardinal Corona n'est pas arrivé les mains vides. Au moment de sa démission du poste de Grand Argentier des finances vaticanes au profit de son rival Mgr Dalla Piestra, aujourd'hui Clément XV, l'Archevêque était toujours - en titre sinon en droit - Directeur de la Banque du Saint-Esprit.
Après s'être fait livrer la totalité de la couverture-or de l'Etat du Vatican contre reçu en bonne et due forme, le rival de Clément XV fit convoyer à vive allure son trésor de guerre escorté par un peloton de Zouaves à sa solde, à destination de Tunis.
Pendant ce temps, Mgr Dalla Piestra se faisait laborieusement élire en empruntant une somme considérable à Guillaume II, pour acheter les voix nécesaires à son élection.
Une fois réuni le Conclave de Carthage, Mgr Corona, devenu entretemps SS Léon XIV marquait un deuxième point sur son rival en Sainteté, en instaurant d'emblée une théologie de la dissidence propre à lui rallier toute la diaspora des Eglises d'Orient.
Sa dernière mesure, et non la moindre, fut de mettre en circulation la couronne tunisienne sur l'ensemble du protectorat et d'en retirer la lire.
Léon XIV peut se vanter d'avoir pris une revanche éclatante sur sa disgrâce du printemps : il a aujourd'hui sa monnaie, son Eglise, son armée, son Etat.
Ses prochains objectifs sont prévisibles : rompre avec le Vatican et le Palais royal, à savoir 1° faire admettre par l'ensemble de la Chrétienté l'imposture de Clément XV, et 2° proclamer l'indépendance de la Principauté de Tunis.
L'ambitieux Corona parviendra-t-il à faire reconnaître son Etat par les Puissances européennes ?